En 2020, 9,9 millions de Kényans n'auront accès qu'à des sources d'eau de surface contaminées. Dans le cadre d'un projet soutenu par P4G (Partnering for Green Growth and the Global Goals 2030) visant l'ODD 6 sur l'accès à l'eau potable, nous avons analyser le secteur de l'eau au Kenya. Cet article vise à aider les parties prenantes locales et internationales à mieux comprendre la structure opérationnelle et financière du secteur de l'eau au Kenya.
En 2020, près de 25 % de la population mondiale n'avait pas accès à un service d'eau potable géré en toute sécurité. L'eau est essentielle au développement humain, social et économique. Au Kenya, malgré les efforts du gouvernement pour augmenter l'accès à l'eau dans tout le pays afin que le développement économique de la nation ne soit pas entravé, des statistiques récentes montrent que ces efforts peinent à soutenir les objectifs de développement à long terme de la nation.
La nouvelle loi sur l'eau de 2016 a été promulguée afin d'aligner la loi initiale sur l'eau de 2002 sur la nouvelle Constitution du Kenya adoptée en 2010. Cette loi sur l'eau est le principal cadre de gouvernance du secteur de l'eau au Kenya. Elle décrit les fonctions spécifiques des différentes institutions régissant le secteur de l'eau, dans le but de mieux gérer l'eau, son approvisionnement et son accès dans les différentes parties du pays. Nous tentons ci-dessous de simplifier les structures opérationnelles et financières des différentes parties prenantes opérant aux niveaux national, régional et local afin de contribuer à l'efficacité des acteurs soucieux de contribuer au bien commun dans ce secteur.
Système de gouvernance de l'eau au Kenya
Le ministère de l'Eau, de l'Assainissement et de l'Irrigation (MoWSI) est à la tête du secteur et joue un rôle dans la formulation des politiques, la planification et la mobilisation des ressources. Jusqu'en 2015, le ministère élaborait une Stratégie nationale des services de l'eau (NWSS) sur un cycle de 8 ans. Ce document décrit l'étendue des services et les plans d'investissement, en particulier pour atteindre les zones mal desservies. Depuis mars 2014, en prévision de la publication du cadre des ODD, et des négociation de l'Accord de Paris sur le changement climatique, un nouveau cadre a été développé pour piloter le secteur de l'eau au Kenya, un National Water Master Plan 2030 (NWMP) visant à améliorer la gestion des ressources en eau du pays en tenant compte du changement climatique, et guider le secteur dans sa planification et sa capacité à gérer l'eau, en mettant l'accent sur le transfert de technologie.
Dans ce contexte, COREUM Consulting est intervenu dans le cadre du partenariat Innovate for Water afin de mesurer l'impact d'un dispositif innovant de financement mixte (blended finance), combinant fonds investissement à impact, prêts avec partage des revenues, compteurs d'eau connectés, et paiement mobile.
Les NWSS et NWMP sont contrôlées par le Conseil de régulation des services de l'eau (WASREB), par l'intermédiaire des associations d'usagers des ressources en eau (WRUA) qui appliquent ces cadres réglementaires au niveau local. Sur la base de ces lignes directrices, il existe des institutions nationales, régionales et locales qui assurent la gestion des ressources, le développement des infrastructures et la distribution de l'eau. Soutenant le développement des capacités et les besoins en capital humain du secteur, l'Institut kényan de l'eau (KEWI) investi dans l'éducation et la recherche dans le domaine de la gestion de l'eau.
En ce qui concerne la gestion des ressources, l'autorité de gestion des ressources en eau (WRMA) alloue les volumes d'eau aux différents utilisateurs du pays, détermine les conditions des permis d'utilisation de l'eau, planifie la conservation des ressources, et conserve les données correspondantes.
Afin d'accroître la couverture de l'approvisionnement et de l'assainissement au niveau régional, les Water Service Boards (WSB), par l'intermédiaire de la National Water Conservation and Pipeline Corporation (NWCPC), développent des barrages, des forages et des canalisations dans tout le pays. Les WSB deviennent ensuite propriétaires de toutes les installations mises en place et les louent par le biais d'accords de prestation de services (SPA) aux fournisseurs de services d'eau (WSP) au niveau local. Enfin, certains fournisseurs de services d'eau délèguent une partie des services de distribution d'eau pour certaines zones complexes à des opérateurs privés. Ces derniers exploitent et gèrent alors les installations pour fournir de l'eau aux abonnés et à la population ciblée, et perçoivent les paiements prévus à cet effet.
Structure des flux financiers
Si l'on examine une structure simplifiée des flux financiers, le gouvernement du Kenya accorde au MoSWI un budget spécifique, soutenu par des subventions ou des prêts accordés par des bailleurs de fonds nationaux et internationaux tels que la Banque mondiale. Le ministère répartit les budgets et les capacités de financement à travers 4 cannaux :
- à la National Water Conservation and Pipeline Corporation (NWCPC) pour le développement de l'infrastructure de l'eau dans le pays ;
- au Water Service Regulation Board (WASREB) pour la régulation des services de l'eau et l'octroi de licences aux Water Service Boards (WSB) ;
- aux Water Service Boards (WSB) eux-mêmes pour l'octroi de licences d'exploitation aux Water Service Providers (WSP) ;
- à un véhicule d'investissement spécial appelé Water Service Trust Fund (WSTF) en charge de la gestion des installations en faveur des pauvres.
Les fournisseurs de services d'eau (WSP) perçoivent à leur tour des revenus auprès des abonnés. Il existe trois principaux types de modèles de paiement pour les abonnés : les tarifs forfaitaires, le post-paiement conventionnel et le récent paiement à l'utilisation (PAYGO) rendu possible par le développement des compteurs connectés et de l'argent mobile.
Les revenus des WSP doivent servir à couvrir les coûts d'exploitation du fournisseur, puis les frais d'exploitation, dont la licence de WSB, les taxes du WASREB, frais de prélèvement d'eau de la WRMA), et enfin les remboursements de dettes en cas de litige. Une fois toutes ces obligations honorées, les prestataires de services d'approvisionnement en eau sont censés investir dans la remise en état et l'expansion du système. Malheureusement, la structure financière de propre au WSP, avec un CAPEX important et des marges faibles, limite l'accès de ces entreprises aux financements bancaires nécessaires pour maintenir et développer le réseau. L'initiative Innovate for Water vise à pallier à ces difficultés, en mobilisant des fonds à impact pour financer l'acquisition de compteurs d'eau connectés équipés d'un système PAYGO, qui sont ensuite vendus aux WSP à travers un financement en crédit-bail, dont le remboursement est réalisé par partage de revenus automatisés grâce au système PAYGO.
Ce dispositif innovant offre la possibilité d'améliorer les équilibres financiers des WSP (réduction du niveau de créances clients, amélioration de la trésorerie), de réduire le risque d'endettement et de coupure d'eau des clients finaux, améliorant in fine l'accès au financement auprès des banques commerciales.
Aujourd'hui, sans innovation dans les modes de financement du secteur de l'eau, le gouvernement du Kenya ne peut s'appuyer que sur les capacités de son véhicule d'investissement spécial créé en 2002, appelé Water Sector Trust Fund (WSFT) ou simplement Water Fund, pour soutenir le développement d'installations en faveur des populations vulnérables dans les zones rurales et urbaines. Le mandat de cette société d'État a été adapté en 2016 pour soutenir les défis du développement durable et du changement climatique.